Mam Rosette (2)
"Que pouvait donc faire cette vieille femme sans ressources ?
que pouvait donc faire Rosette de ses trois petits enfants en bas âge ?
De l'assistance ? il n'y en avais presque pas en 1905..
La municipalité lui donnait bien un peu de poussière de charbon, un pain ou deux par semaine et c'est tout .
Un matin de bonne heure, on frappa brutalement à la porte et je vis apparaître dans l'embrasure, la silouette du garde champêtre Hector. Je n'étais pas rassuré en le voyant, je fis un bond. Il me dit:
-"ta grand mère Rosette n'est pas là?"
Ma grand mère qui avait entendu se montra et le garde champêtre lui dit :
-" Rosette, je viens chercher René pour le conduire dans un couvent à Tournai ."
Je voulus fuir mais le garde me barra le chemin de sa canne.
-" ne te sauve pas mon garçon, tu vas aller dans un couvent où tu seras bien couché, bien habillé, bien nourri, tu vas être comme un prince, ce n'est pas vrai Rosette?"
Je regardais ma grand mère elle avait des larmes aux yeux , elle se disait, il me quitte , je ne le reverrai jamsi plus .
Elle avait raison, par la suite j'ai appris qu'elle était morte peu de temps après mon départ.
Pauvre grand mère, sur le point de la quitter, elle me remit la moitié d'un pain qui lui restait pour mon voyage qui n'était pas bien loin . Une heure de train je n'en avais pas besoin, mais elle y tenait, j'avais toujours dans l'idée qu'il me serait possible de m'évader avant d'entrer au couvant .
En arrivant chez les soeurs de Saint Vincent de Paul au Crampon à Tournai, je fis la connaissance d'une trentaine de garçons plus ou moins gentils qui nous regardaient curieusement car nous étions deux arrivants, deux nouveaux.
Je fus intrigué par un genre de procession autour de la cour, deux garçons se promenaient avec une paillasse sur la tête, deux autres qui étaient punis les suivaient. Je demandais à un grand qui se trouvait à ma droite ce que cela signifiait, il me répondit " ce sont les pissard" ils font encore pipi au lit, et le surveillant leur met la paillasse sur la tête, ils se promènent comme cela pendant des heures .." J'en était terrifié et décidais à prendre la fuite ....
..... Arrivait le moment de se coucher ... j'attrapais une de ces coliques comme jamais je n'avais ressenti, le cortège des pissard m'observait continuellement et je revoyais toujours ces fameuses paillasses avec un grand rond dans le milieux.
Soeur Catherine me désigna mon lit et me remis une chemise de nuit , je luis fais remarquer qu'elle était un peu longue et que je marchais dessus, " ça ne fait rien dans le lit, ça ne se verra pas.."
Puis je me suis enfoncé joyeusement dans le fond des draps blancs frais, ces draps par dessus la tête, ça me semblait si bon !!!
Je me suis à penser beaucoup, beaucoup...
Je revoyais ma grand mère en pleurs, mon frère Roger que je n'ai pas revu avant de partir, mais je pensais surtout à ce qui allait se passer le matin à mon réveil.
Oui j'ai beaucoup pensé cette nuit là, aux pissards, à Blaton, à mes petits copains, à ma grand mère en pleurs, au garde champêtre à tout un tas de choses...
Puis tout à coup , j'ai craqué, je pleurais sans m'arrêter.Ca me donnait une sensation de bien être , ça me semblait bon et j'étais heureux. J'étais soulagé.
Quelque temps après je dormais comme un bienheureux et cela jusqu'au moment ou j'entendais Soeur Catherine frapper des mains en criant " Vive Jésus" c'était le matin et la façon dont on nous réveillait..
Réalisant d'un bond je fus sur pied ouvrant mon lit tout en grand et le palpait de la main.
" Oh miracle! je n'avais pas fait pipi au lit ".